mercredi 11 novembre 2020

L'identité nationale et ses ennemis

 

Les évènements récents ont à nouveau mis le doigt sur une réalité que la classe politique s’évertue à ignorer depuis des décennies, à savoir l’émergence, en France, d’une frange de la population qui n’a que haine et mépris pour la Nation et ses valeurs. Cette réalité est là depuis longtemps : déjà en 1998, Debord remarquait que l’agression de pompiers marquait une première dans l’histoire de la criminalité en France, un acte inexcusable, un point de non-retour. Le pompier, en tant qu’homme du peuple mettant sa vie en danger pour le bien commun, jouissait auparavant du respect de tous, et même parmi les criminels, peu auraient eu l’envie de l’attaquer. Depuis, les agressions de pompier sont devenues chose fréquente dans les « quartiers sensibles ». Les auteurs de ces actes, souvent issus de l’immigration, témoignent ainsi de leur haine pour l’ensemble de la société française.

Au lieu de répondre à ces attaques en nommant et en écrasant l’ennemi ainsi caractérisé de la Nation, la bonne société française préfère se regarder le nombril et blâmer, soit l’architecture, soit l’éducation, le « racisme » ou la pauvreté, bref tout le monde sauf les auteurs de ces actes eux mêmes et l’idéologie dont ils se réclament. Ils font semblant d’ignorer que des Français également « défavorisés » n’assassinent pas pour autant leur concitoyen, et sont en mesure de comprendre que leurs malheurs personnels ne les autorisent pas à user de violence envers des tiers innocents. Tous ceux qui osent identifier l’ennemi intérieur sont accusés de « faire le jeu du Front National », phrase qui laisse entendre que les Français sont trop bêtes pour remarquer l’évidence sans qu’un membre de la classe médiatique le leur indique.

On peut se demander pourquoi, dans ces conditions, les donneurs d’opinions et les politiques mettent un point d’honneur à doter la France d’une substantielle population musulmane. Pourquoi l’homogénéité ethnique leur pose-t-elle un tel problème quand il s’agit de l’Europe, et pas de la Chine, de l’Inde, du Japon ou des pays d’Afrique eux-mêmes ? Pourquoi s’indignent-t-ils des entraves que mettent certains pays à la venue des « réfugiés », mais pas des guerres qui en sont l’origine et qui résultent, au moins en partie, de la politique étrangère des pays Occidentaux? Ce degré de cécité, cette haine de soi apparente ont de quoi étonner.

Un premier élément d’explication vient du fait que les partisans de l’immigration ne sont pas ceux qui en subissent les conséquences. Les populations d’origine étrangère sont reléguées dans certains quartiers, dans lesquels nos bobos ne se rendent pas et quand il s’agit d’envoyer leurs rejetons à l’école, la diversité n’est plus leur priorité. Leur amour de l’étranger a donc quelque chose d’abstrait ; ce qu’ils aiment en lui, c’est une image plutôt qu’une réalité, c’est l’occasion qu’il leur donne de se sentir généreux. En effet, quant nos bobos interagissent avec des immigrés, c’est rarement sur un pied d’égalité ; qu’il s’agisse de recruter des employés à domicile ou de venir en aide à des migrants dans une ONG, la relation de dépendance dans lesquels ceux-ci sont placés les obligent naturellement à se montrer agréables.

Plus que d’un réel goût pour des cultures étrangères qu’ils ne connaissent pas, l’envie de « diversifier » la Nation provient de l’incapacité du bobo à se satisfaire de la France et de l’identité Française. Le progressiste, par nature, est un éternel insatisfait ; on pourrait lui donner une utopie qu’il trouverait quelque chose à y changer. Plus profondément, dans l’ensemble de la culture occidentale, l’illimité agit comme idéal, les limites sont vues comme oppressantes ; comme le disait Hugo, le plus grand poète du Progrés, le moderne « répond à la limite par l’enjambée ».

Quand le bobo contemple le plouc Français, il voit en lui quelque chose de borné, de figé, d’irrémédiablement particulier . De même qu’il se contente de moins en moins d’être homme ou femme, il lui est insupportable de vivre au pays du béret, de la baguette, du vin rouge et du camembert. Il veut être international ou, mieux encore, Universel.

Le problème c’est qu’en voulant être tout, il finit bien souvent par n’être rien. Plus un énoncé aspire à la généralité, moins il peut se permettre d'être précis ; le prix de l’universalité est la vacuité. N’ont d’universelles que des platitudes comme l’interdit de tuer, alors que ce sont les exceptions, toujours présentes, à cette règle qui sont déterminantes.

Pour devenir universelle, la culture occidentale s’est débarrassée de tout ce qu’elle avait de spirituel, de philosophique ou de moral en abandonnant la question de la vie bonne afin de se centrer uniquement sur l’économie et la technique. L’attrait de la richesse, la peur de la violence et le désir sexuel, voilà les passions universelles sur lesquelles peut s’appuyer un empire mondial.

La première victime de l’impérialisme occidental est donc la culture européenne elle même, trop originale pour pouvoir s’exporter massivement à l’étranger. A la place, on a produit et disséminé une culture impériale  exaltant le désir brut de consommer : des objets, du sexe, des « expériences ». C’est sur ce mode que le bobo entend consommer des cultures étrangères à domicile via le « multiculturalisme ».

Pur produit de la culture commerciale, il vit en touriste dans son propre pays. Il n’a donc aucun mal à se déclarer favorable à l’arrivée d’autres cultures que la sienne ; il apprécie les vêtements et la nourriture « ethniques » que la culture impériale, dans sa profonde stérilité, n’aurait jamais pu inventer elle même. Ayant perdu toute exigence morale, vautré dans le matérialisme, il a du mal à comprendre que les nouveaux venus puissent préférer leurs valeurs aux richesses de l’Occident.

Le « multiculturalisme » du bobo a ceci d’Orwellien qu’il est exactement le contraire de ce qu’il prétend être. Plutôt que de respecter la diversité des cultures, en faisant venir en Occident des étrangers et en incorporant l’étranger à la production culturelle impériale, il favorise sa diffusion à l’échelle de la planète. Partout la culture impériale envahit l’espace culturel des anciennes nations et évince la production locale ; en déniant aux peuples la possibilité de créer par eux-mêmes, elle tue leurs cultures et homogénéise la planète. Quand elle « diversifie » ses productions, ce n’est que pour laisser croire que le monde entier l’approuve . En effet, cette « culture » veut être universelle, c’est l’idée même d’un ailleurs, d’un étranger qui lui est insupportable ; elle cherche donc immédiatement à l’incorporer à elle.

La culture impériale est impérialiste – rien de surprenant. C’est son expansionisme qui suscite autant la haine du monde musulmant, qui voit en elle son ennemi mortel. La « culture » impériale, contrairement à l’ancienne culture européenne, s’adresse aux passions sur le mode de la séduction, et non à l’esprit sur le mode de la raison : c’est à la fois sa force et sa faiblesse. Elle corrompt les musulmans, et n’offre aucun idéal en substitut de religion, mais seulement la perspective mensongère de satisfaire les désirs que la religion réprimait.

Quand ces promesses échouent du fait des difficultés économiques traversées par l’Occident, des individus incapables de donner un sens à leur vie autrement qu’à travers un succès matériel soudain hors de portée constituent des recrues de choix pour les prêcheurs salafistes. Ce vide d’idéal, qui ouvre la porte à l’islamisme, empêche en même temps les occidentaux de se défendre résolumment : ne croyant en aucune cause qui les dépasse, ils n’ont aucune raison de mettre leur vie en jeu au combat. Aucune croyance n’est suffisamment forte pour les motiver ; toutes sont subordonnées à l’économique, à la technique et aux jeux de puissance, qui en eux mêmes n’éveillent pas la volonté de l’homme, mais s’imposent à lui en se faisant passer pour la nécessité.

C’est parce que la culture française est déjà moribonde qu’elle constitue une proie facile pour l’islamisme. Dans toute l’histoire de l’humanité, la première priorité des peuples a toujours été d’acquérir et de préserver un territoire sur lequel il leur était possible de mener la vie qu’ils jugeaient bonne, sans avoir à composer avec d’autres ne partageant pas leur vision des choses. Seul un peuple qui ne se voit aucune particularité digne d’être préservée peut ainsi se demander si il est légitime de contrôler ses frontières. Si les Français veulent éviter leur disparition, que ce soit aux mains de l’islam ou de l’empire mondialiste, ils doivent renouer avec leur culture et l’aimer, ainsi qu’une femme, pour ce qu’elle a de spécifique plutôt que d’universel.

vendredi 21 février 2020

L'égalité en tant que notion politique


Dans un billet précédent, je critiquais la manière dont le concept d’égalité a été dévoyé par certains courants de la gauche, qui la confondent avec l’égalitarisme.
Cependant, l’égalité a aussi ses ennemis, non seulement à l’extrême droite mais dans l’ensemble de l’élite gouvernante, où derrière une démagogie trompeuse se cache la croyance en la supériorité de la classe managériale et de ses « compétences » sur le reste de la population. Les déclarations du médiatique docteur Laurent Alexandre à propos des « imbéciles » en sont un bon exemple – les médecins par ailleurs ont un penchant historiquement avéré pour ce type de classification des être humains, qui les met en position d’autorité en tant que garants du sain et du normal, la dérive eugéniste étant un danger inhérent à la profession.

L’ élitisme en tant que vision du monde naît le plus souvent de la constatation de l’inégalité naturelle et de la supériorité innée de certains hommes sur d’autres dans divers domaines. C’est l’erreur de l’égalitarisme que de nier ou d’ignorer sciemment ces différences pourtant évidentes, et c’est l’erreur de l’élitisme que d’en conclure hâtivement à la nécessité de confier les rênes du pouvoir à ceux qui, en général, le possèdent déjà (l’élitisme est rarement une doctrine révolutionnaire). En effet, dans leur considération des différentes vertus qui pourraient amener à classer certains individus comme meilleurs que d’autres, les élitistes font souvent preuve d’une singulière myopie. La possession du pouvoir sera justifiée tantôt au nom des vertus guerrières, tantôt au nom des vertus morales, tantôt au nom de l’intelligence, suivant que ce sont des guerriers, des prêtres ou des technocrates qui gouvernent. Comme tous ces ordres existent dans à peu près toutes les sociétés, ce genre de discours élitiste ne nous renseigne que sur l’état du rapport de force entre ces différentes fonctions, ne faisant que réitérer le système de valeur propre à un métier ou une vocation. Il manque, crucialement, la raison pour laquelle la possession d’une vertu individuelle devrait mériter l’attribution du pouvoir sur autrui. Qu’est-ce qu’autrui en a à cirer, de votre intelligence, ou de votre talent pour le combat ? Il peut la respecter, l’honorer même, mais ça ne signifie pas qu’il doive vous obéir.

Un être humain ne peut pas vivre à la place d’un autre, sa vie est irremplaçable ; il ne peut ni ne doit accepter de se sacrifier au profit d’un inconnu, sous prétexte que cet inconnu serait un « être supérieur ». Le postulat qu’il y a des vies qui vaudraient plus que d’autres, à supposer qu’il ait un sens, n’a donc aucune légitimité politique, puisqu’à chaque individu sa propre existence sera plus précieuse que celle des êtres prétendus supérieurs. Le fondement de l’autorité d’une élite n’est donc pas sa valeur supérieure, mais sa capacité à servir les intérêts de la collectivité. Les talents de l’élite n’ont de valeur politique que dans la mesure où ils servent l’intérêt général. Or, comment garantir que l’élite remplira sa fonction, au lieu de ne viser que son intérêt particulier ? Pour cela, il est nécessaire de donner à l’ensemble de la population le moyen de se faire entendre de l’élite, et ce de manière contraignante, car compter sur la bonne volonté en politique est excessivement naïf.

On pense souvent que la corruption se manifeste par la poursuite explicite de l’intérêt privé aux dépends de l’intérêt général. Qui a tant soit peu observé les couches supérieures de la société constatera au contraire que la poursuite de l’intérêt privé se fait souvent en toute bonne foi au nom de l’intérêt général. Il n’est que trop facile de confondre son intérêt particulier avec l’ intérêt général, et c’est pourquoi les membres de l’élite peuvent penser qu’ils pourraient se dispenser de la démocratie. La bonne façon de juger des motivations de l’élite n’est cependant pas de se référer à ses mots ou à ses sentiments, mais d’examiner systématiquement les conséquences de ses décisions, qui seules importent politiquement. Or, en jouant à ce jeu avec l’élite contemporaine, on constate que les politiques qu’elle poursuit depuis les années 80s, à savoir la mondialisation, l’Europe, l’immigration, ont toutes contribué à précariser le travailleur français, à l’affaiblir vis à vis de l’employeur et de la loi. Il ne s’agit pas de phénomènes subtils. Quand, depuis des décennies, le gouvernement français laisse des régions entières se désindustrialiser, les emplois partir à l’étranger et permet maintenant même que des industries stratégiques filent entre des mains étrangères, on est obligé de conclure que l’élite française ne défend pas l’intérêt général. Quand l’élite met autant de persistance à avancer dans la mauvaise direction, ses compétences ne sont pas un argument en sa faveur, au contraire, elles la rendent plus dangereuse et attestent de ses mauvaises intentions.

L’évaluation de la « compétence » et sa définition même ne sont par ailleurs que des procédures bureaucratiques internes toutes aussi sujettes à la dérive et à la corruption que le reste de l’édifice institutionnel. Il n’y a qu’à voir la façon dont des universités américaines prestigieuses promeuvent actuellement des cours d’ « études de genre » et d’ « études de race » consternants de débilité anhistorique et ethnocentriste (les Européens seuls coupables d’impérialisme et d’esclavagisme). Les prétendues « sciences  sociales » ainsi que la médecine sont confrontées à la « crise de la réplication » qui montre qu’une bonne partie de leur production « scientifique » est faite d’interprétation d’évènements aléatoires, à l’instar de l’astrologie ou de la divination. Ces institutions, cependant, décernent des brevets de compétence dont la validité sociale est incontestée, et les experts issus de l’économie et des « sciences sociales » sont régulièrement invités à la télévision en tant qu’autorité sur ces sujets. Ces experts, qui s’appuient sur la science pour prétendre à l’autorité, feraient bien de s’aviser que la vraie science, elle, n’admet aucune théorie sans l’avoir confrontée à l’expérience. Le réel s’impose inéluctablement aux constructions de l’intellect, et ce dernier doit s’adapter s’il ne veut pas délirer. Or en politique, le réel c’est la vie quotidienne des citoyens dont le pouvoir est censé défendre les intérêts. Nul n’est mieux placé qu’eux pour l’observer ; c’est par l’agrégation de leurs observations, par le vote et le référendum, que la démocratie permet au réel de l’emporter sur les délires des mandarins. Quelles que soient les ruses de la communication que le pouvoir déploie pour tenter de maquiller ses échecs, l’érosion constante de leur niveau de vie ne peut être dissimulée aux yeux des citoyens. Par le vote sanction, ils dégagent alors l’élite qui a failli pour la remplacer par une autre faction qui lui promet mieux.

Cela suppose néanmoins que certaines parties de l’élite soient disposées à incarner le renouvellement. La crise actuelle de la démocratie vient de ce que pendant longtemps, les électeurs n’ont trouvé aucun candidat pour leur proposer une politique réellement différente du néolibéralisme sur lequel les deux partis dominants se contentaient d’ajouter leurs touches cosmétiques « de gauche » ou « de droite ». Le problème est que le vote, à lui seul, ne suffit pas à imposer à la classe politique d’autres intérêts que ses propres intérêts de classe. Entre disposer pendant cinq années de plus de la présidence de la république et recevoir les multiples récompenses (emplois, cadeaux, réseau) que sait prodiguer l’oligarchie à ceux qui la défendent, le choix est vite fait. Avec Emmanuel Macron, le président ne fait même plus semblant de tenir compte de ce que pensent les Français : sûr d’être richement récompensé de ses bons et loyaux services, Macron « assume » son impopularité. Il en va de même pour les « experts », mandarins et intellectuels organiques du régime : on ne tient aucun compte de la justesse de leurs conseils, seul compte le fait qu’ils aient appuyé les bons intérêts au moment où ceux-ci avaient besoin d’eux. Des noms comme Alain Minc, Jacques Attali, BHL sont des constantes du paysage télévisuel français, aussi inoxydables que Michel Drücker, tout en n’ayant aucunement la popularité de ce dernier.

Pour mettre fin à ce triste spectacle, il est indispensable de rendre l’élite responsable de ses décisions devant l’électorat. L’expertise nécessaire au fonctionnement d’un Etat moderne doit s’exercer dans le cadre d’un mandat attribué à un élu, et soumise à une évaluation publique par une assemblée citoyenne. Au lieu de simplement déchoir l’élu de ses fonctions, l’évaluation doit permettre de le juger et de le sanctionner si jamais il s’avère qu’il a failli par rapport à ses engagements. De telles mesures permettraient non seulement de lutter contre la corruption, mais aussi d’améliorer la compétence des élites – leur compétence réelle, pas l’ersatz que mesurent les diplômes et la réputation. Comme l’a théorisé l’intellectuel américain Nassim Nicholas Taleb dans son livre « Skin in the game » , seule la prise de risque personnel constitue une épreuve suffisante pour distinguer la compétence. Inversement, ceux qui prennent des décisions sans avoir à en assumer les conséquences peuvent se permettre de tenir plein de belles théories sans se préoccuper de leur validité – comme notre élite actuelle.