mardi 3 avril 2018

La figure du déni

Le monde dans lequel vous croyez vivre est d'une rassurante banalité . Vous vous brossez les dents le matin, puis prenez le métro ou la voiture pour vous rendre à votre travail, et le soir vous embrassez votre conjoint, allez boire un verre avec des amis, vous vous occupez des enfants... C'est cette routine quotidienne que l'on appelle le « réel ».

Et puis un jour vous apprenez quelque chose d'alarmant : un groupe terroriste projette une attaque, des scientifiques parlent du changement climatique, le dictateur nord coréen a encore menacé de faire usage de l'arme atomique. Mais vous regardez par la fenêtre – rien, les gens vaquent à leurs occupations comme si de rien n'était. Alors vous vous dites que vous vous faites du souci pour rien. Ce qu'on vous a annoncé ne pouvait pas être si grave.
Vous changez de chaîne et regardez plutôt une émission sportive.

Parfois, cette délicieuse torpeur est interrompue par un événement qui sort de l'ordinaire – du moins de l'ordinaire tel que vous vous l'imaginez. C'est une aberration que vous ne pouvez pas accepter. Alors vous faites comme si elle n'existait pas.

Chaque jour, dans le RER, je vois des mendiants faisant la manche. Certains vous font tout un discours sur leur situation, d'autres distribuent des cartons, quelques uns défilent en silence. Très peu de gens leur donnent de l'argent. Que se passe-t-il dans la tête de ceux qui donnent ou de ceux qui ne donnent pas? En général, les gens n'en parlent pas. L'épisode du mendiant est passé sous silence, comme s'il n'aurait pas du exister.

Pourquoi serait-ce à nous de leur donner de l'argent ? Ne sommes nous pas dans un état social, où la collectivité aide les plus démunis et les empêchent de tomber dans la misère ? Et pourtant ils sont là. Et bien alors ce doit être des faux : ils nous mentent, ils ne sont pas vraiment miséreux, ils veulent juste gagner de l'argent sans travailler.
Ou alors ce sont des malades mentaux, ils sont trop bêtes pour se pointer à l'ANPE.

Mais nous avons beau dire tout cela, nous nous sentons mal à l'aise. Nous nous gardons bien d'ailleurs d'aller vérifier si nos rationalisations tiennent la route.
Tout vaut mieux que de se poser une question.
Comment en sont ils arrivés là ? Et si ça leur est arrivé à eux, est-ce que ça ne pourrait pas nous arriver aussi à nous ?


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